A ma grand mère...

jeudi 28 juillet 2011

Même pas Cap'''

Même pas cap’’’

JEUDI 28 juillet,

Après avoir déclaré que le beau temps était de retour…., L’onde programmée arrive, comme dirait Jade
« Maman arrêtes de nous dire l’inverse de  ce qu’il va se passer dans une heure ! », parait que j’ai le chic pour annoncer les choses.
Vite il a fallu tout ramasser en vitesse, une onde c’est une tornade mais en moins violent, aussi soudain, avec orages et gros grains.
Signe imparable et oh combien annonciateur, Betty la queue entre les pattes a pointé le bout de son nez dans mes pieds, « au secours, ça va tonner ».
En voilà une qui ne risque pas d’aller à la chasse avec son maître…
Il tonne, il tombe des cordes, et la citerne déborde.

Vite chercher Jade qui je l’espère sera rentrée à la base de surf avec ses copains, car sur le spot c’est impressionnant, le grain est sur vous, et on y voit plus rien.
L’autre jour, elle a perdu le sens de l’orientation et s’est retrouvée sur le chenal de déferlement des vagues, avec le risque de prendre une planche dans la tête.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé, une planche, un aileron, un œuf.


Au menu du jour :

Tartelettes maison à ma façon :

Pâte brisée, env 250grs, pour 6 tartelettes

Précuire les fonds au four à 200°
Préparer au blender une base de tomates fraiches, ail, oignons, basilic, sel poivre, pour ne pas qu’elle soit trop liquide, ajouter du concentré de tomates.
Mettre en couche épaisse sur les tartelettes cuites,
Y poser un « palet de chèvre crèmeux » de Président, partagé en deux
La croute côté tomates
Sur le crèmeux y déposer des olives noires coupées en morceaux

Passer au four très chaud, le temps que le chèvre fonde et croustille
Servir avec une salade et roquette du jardin, vinaigre balsamique et huile d’olive

Gambas sauvages, mayonnaise au citron

Clafoutis aux prunes jaunes et mûres, pour le quatre heure….


Même pas Cap''' 

J ai 9ans, des pataugas, et des tâches de rousseur. C’est pas pour rien que toute la journée on me surnomme « fifi brindacier » ou « poil de carottes » ou encore «  la passoire »…
 Mais ce soir,  tout ce qui m’importe c’est de rentrer chez moi en vitesse, pas de détour par les ruelles menant au port, je file droit, je veux rentrer chez moi.
Malgré des heures de travail à la maison, j’ai encore pris des coups de baguettes sur mes phalanges, cette sacrée bonne sœur ne  me laisse rien passer, quand on vise le diplôme d’honneur au Concours Général de Piano, les seules récompenses sont la baguette et le bout de papier décoré de lettres dorées.

Et moi crâneuse, je ne montre rien, je serre les dents, sûre que le 24 juin prochain, jour de la ST JEAN, je lui mettrai sous le nez, son bout de papier à lettres dorées.

J’ai laissé mon frère ainé avec ses copains, et le plus jeune à la garderie des sœurs.
Mes Pataugas sont un peu grandes, ça fait plus garçon, et me donnent le sentiment de paraitre plus âgée, d’ailleurs tous les garçons de ma classe le savent, faut pas s’y frotter, j’ai pas peur de cogner. Le dernier qui a voulu tricher et me voler mes billes, s’en souvient, je l’ai fritté, et il s’est mis à saigner derrière la tête, il m’a menacée de tout dire à ses parents, mais moi à sa place, je la bouclerai, il  va passer pour la chochotte de l’école, et là je suis très forte pour faire regretter le moindre moment de faiblesse à tous ces minots qui se prennent pour des durs.
J’aurai tellement voulu être un garçon, les filles c’est bête et trop gnangnan
.
Je suis presque arrivée, la marée est basse, et les bateaux sont couchés sur leur flan.
Je laisse la Gare sur ma gauche, je passe devant la pharmacie, et je pousse la porte d’entrée en fonte, celle là même qui m’écrasa le pouce le jour de mes 3ans, et je monte les marches en courant pour rejoindre ma chambre, ma sœur n’est pas dans les parages, ça tombe bien.
Personne en vue, c’est encore l’heure où les épouses font leurs courses pour le repas du soir, ma mère découpe, pèse, emballe pâtés et  jambon, pour ces dames.
 Mon père ne devrait plus tarder à achever sa journée, les employés ont désertés les laboratoires à l’arrière de la Charcuterie.
Je m’active à trouver un cahier, et je commence à griffonner.
…….
A la suite du décès du président Georges Pompidou, atteint de la maladie de Waldenström, le 2 avril 1974, une élection présidentielle anticipée était devenue nécessaire.
……..
 L’heure du dîner approche, c’est toujours pour moi un moment de grand bonheur, le temps où tout le monde se retrouve à table, se pose après une journée de dure labeur.
Je prends ma place quelques minutes plus tard, à la droite de mon père qui préside immuablement la tablée, en face de ma sœur, l’ainée de  quatre enfants, à gauche de ma mère, viendront à côté d’elle mon petit frère de 6ans, et «  la jeune fille à tout faire » comme je l’appelle. Mon frère, le deuxième, selon son humeur est mêlé aux employés ce qui complète l’assemblée.
Papa sort son couteau d’acier de la poche droite de son pantalon, celui qui fait tout, tire bouchon et le reste.
Maman me remet sur les genoux la serviette que j’ai déjà fait tomber 3 fois, je n’ai pas le droit de parler, je le sais, mais pourtant papa, si tu savais, je voudrais tellement que tu m’écoutes….

-« Miss Cathy » tu as fini tes devoirs ????
-« Oui mais Papa, parles moi de ce Président qui va mourir, que se passera t-il après quand il sera enterré ?
-« Comment tu sais ça toi ? ça t’intéresse la politique ?
-« enfin oui un peu, mais comment on fait pour choisir un Président et…?
Je n’avais pas terminé ma phrase, que mon frère ainé a toujours vouloir me contredire dit :
-« il faut toujours qu’elle fasse sa maligne et son intéressante celle là ! »
« -tu sais ce qu’elle te dit l’intéressante ? »

Et Vlam, une tape sur la joue de ma mère pour me faire baisser d’un ton, au bord des larmes après une journée d’école et de cours de piano plutôt musclés, devant tant d’incompréhension générale, je jetai ma serviette et vociférai à tous qui voulaient m’entendre :
-« De toute façon, vous verrez bien de quoi je suis capable, c’est toujours pareil avec vous, jamais personne ne me prends au sérieux ! »

Et je pars en courant avant de prendre une deuxième taloche de la droite.
Arrivée sur mon lit, je prends mon cahier et mon stylo.
Je me couche avant tout le monde, et je fais celle qui dort lorsque le parfum de ma mère frôle ma joue, elle me borde à son habitude, geste instinctif d’une maman, même que les draps sont trop serrés, et moi, j’aime pas quand les draps sont trop serrés…

Ouf, enfin ma sœur s’est couchée, mais qu’est ce qu’elle avait à la fin à trainer pour lire ses magazines de midinettes. Son MIKE BRANT et sa voix mielleuse, dès qu’elle l’entend à la radio on dirait qu’un ange passe…

Bon, tout le monde semble s’être couché, cette fois ci je peux y aller…en chemise de nuit, j’ouvre doucement la fenêtre donnant sur le balcon surplombant le laboratoire. Mon cœur bat à toute allure, j’attrape mon cahier et mon crayon.
Passer pardessus la rambarde, poser les pieds sur les tuiles de fibre de verre, et faire le tour du toit, arriver aux fenêtres qui donnent sur les chambres des commis. Pas de lumière. J’arrive sur l’arrête du toit, faire très attention car en bas c’est le vide, et le toit n’est pas solide, papa me l’a répétée des dizaines de fois.

Je me cale contre le mur de l’annexe des commis, une jambe dans le vide, et je regarde les étoiles, le ciel est clair ce soir, l’été approche, peut être que je passerai l’été à venir à la TINGERE chez mon grand père Gabriel et mamy Jeanne, avec mon cousin, j’aime bien mon cousin, il a traversé les océans, tonton c’est mon parrain et il me rapporte toujours une jolie pierre quand il revient de ses voyages, tante, elle, elle est spéciale, Frédo il ne rigole pas toujours lui, mais on s’amuse bien quand même.


 Mais ce soir, rien n’est comme d’habitude, une boule me serre dans le ventre, j’ai un mauvais pressentiment.
Bon il fait frais, je décide de rentrer me coucher, demain papa m’aura pardonné .Il faut que j’écoute la radio, le Président est mort.

Le 14 mai  fête des MATTHIAS, une activité peu ordinaire pour une fin de nuit, me fit lever du lit, il était fort tôt, mon père qui se levait d’ordinaire à 5h du matin était déjà dans la salle de bains, et maman faisait la chambre, dans l’entrebâillement de la porte, j’ai bien vu qu’elle avait les yeux rougis et même qu’elle se mouchait.
De peur de déranger, je me suis remise au lit. Ma boule au ventre était revenue.

Plus tard dans la matinée, on m’apprit que mon grand père était à l’hôpital, dans «  un sale état », tombé avec sa mobylette dans un des  fossés du Clion, en rentrant du travail.

Il travaillait sur les chantiers de Nantes mon grand père, il était bourru, mais moi j’étais sa préférée, il me donnait toujours un petit verre de crème de cassis de plus qu’à mon frère, ma sœur et mes cousins de St Michel chef chef. Et puis j’aimais aller à la chasse avec lui, Frèdo et mes tontons, même si maman disait toujours que ce n’était pas la place d’une fille.

Alors ma boule au ventre prit la forme d’un visage, et j’ai eu peur de la mort. Je n’avais jamais vu encore un vrai mort. Mais maman pleurait tellement, et puis elle guettait toujours le téléphone dès qu’elle revenait à la maison, faut dire qu’ils attendaient tous que tonton revienne d’une île près de l’Afrique.
Et tonton est revenu.


L’élection présidentielle  se tint les 5 et 19 mai 1974
 Ce scrutin, qui marqua le reflux du Gaullisme allait se conclure par l’investiture du plus jeune président de la Vème République, qui cultivait une image de modernité et de jeunesse : Valéry Giscard d’Estaing .Le second tour, qui l’opposa au candidat de l’Union de la gauche, François Mitterand, fut le plus serré de l’histoire de la Vème République, la victoire n’étant finalement assurée à Valéry Giscard d’Estaing que par 425 000 d’avance.
Cette élection fut aussi celle d’un autre record : celui de la participation électorale.
Avec 87,33% de participation au second tour, ce fut le plus faible taux d’abstention de toute l’histoire du suffrage universel en France.

Mon grand père était beau dans son costume du Dimanche.
Pour la première fois de ma courte  vie, je comprenais ce que voulait dire « mettre le corps en bière », inhumation, et deuil.
Mamy était toute en noir, au premier rang de l’église, maman lui tenait le bras.
Toutes mes tantes pleuraient, et moi je me disais que si on faisait pêter des pêtards  avec Frèdo pendant la messe, et bien papy se relèverait de son cercueil. Mais quand même, il est bien mort papy, il faut que je m’y fasse.

Mes parents ont parlé d’aller voter à la mairie, qu’il fallait bien le faire. Je donnerai la main à papa et c’est moi qui mettrai le petit papier dans l’enveloppe et la boite en verre. Là quand j’entendrai, ROLAND CAILLAUD a voté, je serai fière d’être sa miss Cathy.
En fait, ce fût le meilleur moment de la journée, même si les cousins étaient tous là, on ne peut pas dire que l’ambiance était à faire la fête.
On est tous rentrés à la maison, et j’ai repris mon cahier.

Trois semaines plus tard, le soleil brillait, tout sentait l’été, les queues de voiture sur la route s’allongeaient, bientôt sans discontinuer elles se toucheraient de pare-choc en pare-choc depuis la route bleue jusqu'au Château.
Papa dira : «  les doryphores sont de retour ! » on peut sortir la grande rôtissoire »

Je rentrais de l’école, un de mes derniers jours de cette année scolaire, et en passant je me suis arrêtée à la Pâtisserie du quai, voir si les Kouign aman étaient exposés dans la vitrine. Je me dis alors, que si tout allait bien, je pourrais demander à maman qu’elle m’en achète un. C’était mon dessert préféré peut m’importait à mon âge d’avaler 448 kcal en 5 minutes !

Je rentrais donc la fleur au fusil, pleine d’espoir et d’odeur alléchée, à peine franchi le seuil de la porte du magasin que maman me regardait interloquée, le facteur a ses côtés.
-« Mademoiselle Catherine Caillaud c’est bien toi ? »
-«  oui c’est moi »
-« du courrier pour toi »
-« merciiiiiiii »
Je jetai mon cartable parterre, au diable les remontrances de ma mère, et j’ouvris cette enveloppe, dorée sur les 4 côtés, sans timbre, juste un tampon très joli, marqué «  République Française ».
J’ouvris délicatement, une fois n’est pas coutume, et dépliai cette lettre de papier classieux :
          
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
                                                                                     Paris, le 20 juin 1974


Mademoiselle,

C’est avec beaucoup d’attention que j’ai lu votre courrier, je vous en remercie vivement.
Vos vœux semble- il à l’issue de ces dernières élections, se sont exaucés, me voici en effet, Président de la République Française.
Je vous remercie ainsi que tous les membres de votre famille du soutien que vous m’avez apporté, en espérant être à la hauteur de la tâche qui m’incombe.



Votre Président,
Valéry Giscard D’Estaing


En hurlant de joie, je me précipitai dans les bras de ma mère et de mon père, et montrait à qui voulait la voir et la lire,  la lettre de mon Président.
Et j’entendis mon frère :

« ben comme d’habitude, elle fait sa crâneuse ! »

Demain, je passerai mon concours de Piano au Château des Ducs de Bretagne, et je reviendrai fière de ma Mention Très Bien.






Ps : cette fameuse lettre fût perdue dans les déménagements qui s’en suivirent quelques années plus tard…

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